lundi 29 juillet 2013

Lionel-Edouard Martin



La Voix ré-enchante......


Ulysse parle


Le regard d'Ulysse d'Angelopoulos



« J’ai dit la mer et je ne l’ai pas épuisée, et j’ai parlé sans que les mots jamais ne caillent sur les lèvres d’autrui, — et jusqu’aux miennes gercées par le sel qui retrouvaient, le temps d’un sourire écorcheur, le plaisir de l’ode mille fois mâchée par la bouche noire de mes compagnons…

Et l’île où j’ai, faisant relâche pour un plein d’eau, figé notre errance, l’île vierge encore de pas humains et sonore du babil seul des bêtes, l’île aussi s’est empreinte de nos phrases, s’est moulée dans le dire des matelots, s’est ouverte aux mots tendus comme des sentes vers la source :

À jamais, les clairières des voix perçant l’inconnu de l’arbre et du fruit, les syllabes arpenteuses traçant le portulan des havres et des brisants, ou lyriques sur le sable interrogeant le galbe des galets, le sens des bois flottés…»

.
Lionel-Édouard Martin, Ulysse au seuil des îles, Ibis Rouge Éditions, 2004 
(A retrouver sur le Blog de l'auteur)





Les voix oubliées ravivent la parole.....


"... Que je parle et mes mots se gorgent de la parole de tous ces morts prédécesseurs, elle leur confère une épaisseur insoupçonnée, détermine une chair imperceptible mais bien réelle autour du noyau syllabique. Il est vain de se croire seul dans le langage, même au plus lourd du soliloque : non, vous êtes tous présents, vous qui m’avez prévenu, dont les voix oubliées, refluant du fond de toute mémoire, ont donné forme aux mots, lissant leurs aspérités, comblant leurs vides : telle la goutte rupestre forant le calcaire, le majorant de concrétions. [...]"

Lionel-Edouard Martin,  (in *Brèches*, éd. Encres vives, 2005)




Mamma roma de Pasolini

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Rappel: lire les oeuvres de Lionel-Edouard Martin, découvrir des extraits des poèmes, traductions, extraits de romans sur son blog  :   

  1. Lionel-Édouard Martin

    lionel-edouard-martin.net/
Nombre d'oeuves publiées aux éditions du Vampire actif+++++

Gadenne

 L'enfer,  la voix des autres ????


Nostalghia de Tarkovski



Ainsi l'homme se regarde et prend conscience de ce qu'il est : criminel. Il ne sait plus si c'est le visage d'Abel ou le sien qu'il contemple dans cette eau si dense, si impitoyablement immobile. A moins que ? Il a envie de courir vers l'endroit où il a laissé Abel, de revoir ce jeune front si pur sous ses boucles, - et moi j'ai ce front-là cette  courbe de la joue, cette bouche sinueuse, ce pli au-dessus de la lèvre. Un peu moins jeune. O visage de mon frère qui savait exprimer tant de choses, chaleur fraternelle, chair amie où ma mère prétendait retrouver l'image de son Seigneur. Une odeur le chasse en avant; ce chef-d'oeuvre est en train d'apprendre la corruption, quelque part, derrière une touffe d'hibiscus. Et j'ai fait cela, c'est moi qui. Comme si ce n'était pas assez que cette menace de la mort fût suspendue sur nous, comme si je ne pouvais pas attendre. C'est cela qui m'énervait aussi : toujours entendre parler de la mort, quand nous étions réunis le soir, autour du feu; ils n'avaient plus que ce mot à la bouche, et comment ce sera, et comment ça arrivera, et. Ils ne vivaient plus, depuis qu'ils avaient cette idée dans la tête. Tous ces sacrifices qu'ils faisaient, les rites, les offrandes, c'était pour éloigner la mort, pour prier le Seigneur d'avoir pitié, de les laisser vivre; d'augmenter le plus qu'il pourrait la durée de leurs jours, et au-delà encore. Et dans notre enfance, dès qu'Abel sortait, c'était une comédie : n'allait-il pas se blesser avec ces instruments qu'il avait fallu inventer pour travailler la terre, n'allait-il pas tomber dans un puits, rencontrer une bête, il y avait tant de serpents dans les alentours; depuis quelques temps ils étaient devenus vindicatifs. D'ailleurs la vindicte sortait de partout : voici que les ronces avaient des épines. Je me demande si on s'était posé tant de questions à mon propos. C'est possible, je n'en sais rien; mais c'est un fait que, depuis quelques temps, j'étais bon pour toutes les corvées. C'est drôle de voir grandir un petit d'homme. On n'avait pas peur que je me blesse, moi, que je me foule le pied, qu'un accident raccourcisse ma durée. Mais tout cela n'était rien, ce n'est pas cela qui m'exaspérait tellement, non, c'était de les entendre parler, à voix basse, avec des chuchotements, et ces signes qu'ils avaient inventés pour prier. Cela ne pouvait plus durer. J'ai beau être grand, être fort, plus rien n'est bon avec cette pensée -là : il fallait nous délivrer de la peur, faire un geste. 

Paul Gadenne, La plage de Scheveningen 

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Lire tout Gadenne, et notamment......


mercredi 24 juillet 2013

Mandelstam



La voix comme un Cri.....


Nous ne saisissons que par la voix
Ce qui a laissé là-bas sa griffure, a lutté,
Et nous promenons la mine durcie
À l’endroit que la voix désigne.
Je romps la nuit, ardente craie,
Pour graver les signes de l’instant,
J’échange le bruit contre le chant des flèches,
L’ordre contre le tremblement irascible.

Qui suis-je ? Non l’honnête maçon,
Ni le couvreur, ni le navigateur :
Moi, être au visage double, et l’âme hybride,
Je suis ami de la nuit, initiateur du jour.

Médée de Pasolini


Béni, celui qui a baptisé le silex
Disciple de l’eau courante,
Béni, qui d’une lanière a noué
Le pied des monts à leur solide socle.

Désormais, j’étudie ce journal intime :
Les égratignures du burin de l’été,
Langage de silex et d’air
Aux strates de ténèbres, aux nappes de lumière,
Et je veux enfoncer les doigts
Dans le chemin pierreux issu de l’ancien chant,
Comme une plaie où fondre entre ses lèvres
Le galet avec l’eau, la bague et le fer à cheval.

Ossip Mandelstam, Poèmes.
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A propos de Pasolini, retrouvez *la rabbia* en 3 parties (vidéo).

Partie 1.......





Pasolini's obituary to Marilyn Monroe From TV Film ''La Rabbia" 1963

via YouTube

http://www.dailymotion.com/video/x6txka_rage-1_creation&start=4



Bernanos

 La Voix du Néant ?



Viridiana de Bunuel



 La chaise de M. Ouine grinçait sur les dalles, depuis une minute, par petits coups réguliers. De sa place, le prêtre ne pouvait malheureusement rien voir des traits de l’ancien professeur de langues, mais il entendait son souffle anxieux, coupé parfois d’une espèce de chuchotement incompréhensible. Bien loin de là, presque au pied de la chaire, la figure convulsée du maire de Fenouille sortait brutalement de l’ombre, éclairée en plein par un vitrail de l’abside qui couvrait sa large face de petites taches rondes, bleues ou mauves, toujours dansantes. Un moment, il crut le voir rire et aussitôt la grimace douloureuse de la bouche le détrompa. Il semblait au curé de Fenouille que toute rumeur s’était éteinte, que les paroles qu’il allait dire tomberaient l’une après l’autre, vaines et noires, dans ce silence béant. 

Bernanos, Monsieur Ouine
----------------------------------------------------------------------------------------------Site consacré à l'écrivain (publications/Nouveautés)




http://www.georgesbernanos.fr/#/actualite/3471460

vendredi 12 juillet 2013

Article/besson


La Voix plurielle d'Orphée....

Par Sylvie Besson


    Les pensées d'Orphée sont  toujours ses pensées elles-mêmes, plus l' individualité autre du poète, ce qui donne un résultat tellement complexe qu’il semble impossible de le décomposer en facteurs, l’aspect  le plus voyant de l’inspiration se déployant dans des révélations, la voix demeurant celle qui concerne l’écrivain et la mort,  ou ce qui est le commencement de la mort . C’est au-dessus de cette mort et dans la Nuit qu’un poète marche, c’est pour cet exercice de funambule qu’on traite son art d’arlequinades sans en saisir l’inquiétante posture,essayant de limiter exactement le profil d’une idée, de cerner des fantômes, de trouver les contours du vide. Par conséquent, tout poète ouvre une brèche sur ce qui l’effraie, le hante ou ne le regarde pas dans l’immédiat ; la conscience s'égare parmi les choses de la mort, et devient elle-même une présence presque palpable. Elle tend encore à une certaine finalité, mais elle la réalise dans l’épaisseur d’un esprit où le poète éprouve des difficultés à se reconnaître, étranger à lui-même et à l’autre. C’est là le rêve angoissant de la conscience tragique, elle veut sortir d’elle-même, et elle n’en peut sortir qu’en se rendant visible et soumise parfois à des « enfantillages, l'envers invisible de la beauté en impose aux personnes qui ne distinguent que l’endroit . C’est ainsi que les oeuvres sont nées d’un besoin indéterminé de s’exprimer, du besoin indéterminé de donner corps à leurs propres démons informes et irrésolus, et de faciliter en même temps la floraison desdites pensées et frémissements en établissant des points de référence concrets, c’est-à-dire des bases pour la méditation et le songe  que seule une  Voix originelle peut donner .

    Cette dédramatisation souligne le caractère obsessionnel d’une « Présence » que le poète épouse, par crainte qu’elle ne sorte de lui-même pour l’enfermer à clef . Le poète devient le gardien de ses propres désirs, semblable aux  « veilleurs d’âme » qui hantent son œuvre, il se doit de maîtriser le temps de son repos afin d’approcher ou de rencontrer la mort. Il faut enfermer en soi le spectre de la mort, hypnos et thanatos, fils de la nuit et frère du sommeil,  saisir les enjeux du temps suspendu qui masquent l’essentiel de ce qu’il faut voir. Si le sommeil de la raison engendre des rêves macabres, l’imagination féconde et rigoureuse ne perd en rien de son pouvoir. L’enchaînement de figures inquiétantes, né autant de l'éveil que du sommeil, confère à l’esprit créateur, l’apparence d’une spirale, sans début ni fin, éternellement décentrée, instable et vertigineuse .
     Cette vision en spirale du poète traduit dans l’espace l’éloignement de toute identité et la présence absolue de la Mort. Le poème devient le lieu scénique mortifère dès lors que le poète entre en état d’hypnose ou d'extase. Ainsi, la Voix impose une présence  insolite ; l’artiste la suit au rythme du rêve, et le retour au réel ne peut se faire que dans la souffrance et l’impuissance .Le poète  tente de vaincre les malices de ce faux rêve afin d’accéder à un état de plénitude , mais son aspiration l’entraîne toujours à suivre les détours qu’empreinte une Voix, métissée d’éternité, d’enchantement et d’humanité troublante. L’œuvre continue de se dérouler comme une spirale ; toujours le poète revient sur ses pas, toujours la voix lui fait traverser les mêmes lieux et le frôlement de la mort se fait entendre à chaque nouvelle apparition. Le poète craint de perdre ce fil ténu avec cette présence qu’il ne peut voir , seul celui qui veille sur lui-même, parvient à mettre en œuvre le rêve d'un  possible chant. L’écriture recrée l'expérience mortifère en un rêve spéculaire. Reste que cette retranscription dit surtout l’inaptitude à tout restituer de cette rencontre avec le monde. Même dans le sommeil du veilleur, la mort garde son énigmatique pouvoir.


Peter Ibbetson d'Henry Hathaway

    La Voix originelle permet davantage de faire revivre des résidus du passé ou plus exactement des univers dépassés, et offre, en une sorte de futur antérieur, la réalisation d’une fantaisie surprenante, une fantaisie qui s’enracine, non pas ailleurs, mais dans les traces d’un passé auquel le poète ne croit plus et qu’il continue d’animer de son art, par habitude, par désir de reconnaissance des lieux, c’est-à-dire de son existence. La mort est alors rendue à son secret ; le poète n’a plus qu’à combattre ses angoisses par une conscience lucide, en une quête d’invisibilité, là où le sommeil et la mort seraient une élévation dans un monde sans regard.  Surgit, dans ces instants de peur plus ou moins inavouée, d’efforts pour canaliser une énergie destructrice, l’exutoire qu’est le Verbe. Ainsi  peut-on lire ce style devenu chair, la voix devenue corps du poème. La voix d'Orphée est sous l’emprise d’un astre nocturne qui fait d'elle la plus infortunée, mais aussi astre étoilé d’accession aux choses les plus secrètes et les plus concrètes, à force d'attachement au réel. L’emprise invisible des angles de mort et des formes de la nuit, hybrides ou non, charge le poète de doutes, de lassitudes, de tentations suicidaires tout en garantissant une liberté d’images foisonnantes. Le passage concret et l’informe cheminement se font  instruments de sa création. Les sentiments sont  les objets de son chant, l’art poétique ne conçoit ni immensité, ni petitesse de création, mais réside dans cette bascule entre le visible et l’Invisible, dans ce lieu très présent et profondément  protéiforme d’un ailleurs effleuré dans ce monde-ci, à même la terre!

       Voilà pourquoi chaque expression, même la plus anodine, prend chez le poète un accent, un mouvement de vérité, voilà pourquoi aux termes techniques de l’autobiographie, le poète préfère toujours le mot métaphorique ou le calembour hautain, tendu vers les nuances plus précises de ses obsessions ou de son imaginaire. Le livre poétique par cette écriture du dedans, semble donc être consubstantiel à son auteur, c’est-à-dire né de ses angoisses du passé et destiné à n’être jamais achevé tant l’artiste croit à l’infini des rencontres et des sensations, aux possibles que lui offrent la terre et le ciel. La confession se transforme en un chassé-croisé entre le « connu » et « l’émotion ». Nous assistons, de cette manière, à l’élaboration tenue secrète d’une espèce de livre en mouvement, à l’image paradoxale du flux et reflux de la mer et de ses miroirs, de la voix et de sa musique.

   En effet,  rarement le poète est dans la fougue de qui s’est laissé emporter par ses souffrances, mais bien plus dans la position de celui qui marche en arrière, submergé par une inspiration venue d’ailleurs et d'ici. Le rôle de scribe semble fait pour celui qui, sans s’écarter des mondes invisibles, les absorbe ou se réfugie derrière le pouvoir visible du réel qui lui « dicte » ses écrits. Ainsi l’invisibilité n’est pas qu’une fantaisie de l’imaginaire, elle naîtrait outre la volonté du poète qui en expire plus ou moins adroitement des images précieuses et énigmatiques. En fait, la conscience se déclare étrangère à toute forme de désir. Il s’agit là sans doute de l’exemple le plus intéressant de ses oeuvres, dans ce costume du scribe si légèrement porté qu’il en devient transparent et qu’on finit par voir bouger en dessous l’homme en quête de lui-même et de l’enracinement de son lyrisme. Et si cette sorte de fidélité au masque ludique constitue les plus fortes limites du visage poétique, il lui procure une aisance de mouvement et une facilité d’approfondissement que ne lui aurait pas permis la ligne trop visible de l’autobiographie traditionnelle ou de l’inspiration canonique.
    Ce faisant, le rythme de sa pensée n’est-elle pas tout entière dans ce passage entre le sommeil équivoque du dormeur et le vivace réveil de la consciene, laquelle après avoir jeté son éclair de lumière fai, ou non,t retomber le poète de nouveau dans la pesanteur du monde ?
    Cette conception particulière de la poésie  prisonnière de son intériorité constitue un pilier des schèmes de l’invisibilité, dans cette réalité autre que supporte la conscience du poète. Ses autoportraits dessinés, tête penchée et légèrement posée sur la main, face allongée et songeuse, plume en l’air, feuille vierge de toute écriture, désordre des mots qui encerclent l’esprit, contribuent à dessiner l’imagerie du poète inactif, fixant un lointain invisible, le regard lui faisant parfois défaut, sans le moindre espoir de seconde vue. Visiblement, le poète dit sa mélancolie, sous les signes indéchiffrables de l’Obscur.
      Mais toutes les réalités recommencent grâce à la voix d' Orphée, le poète glisse habilement de Saturne à la Lune, les astres de la Nuit cherchant un rai de lumière qui rendrait son costume bien plus lumineux.

Sylvie Besson
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Nombre de notes de lectures parsèment ce Blog, tapez mon nom en rouge pour retrouver......ces quelques fantaisies!.

Didier Manyach



Une voix d'ailleurs.....


Ce Nom où s’accomplit la déchirure

s’étend jusqu’à l’infini du pensable.

Il annule les formes de l’Identité

et il est ainsi le seul Lieu situable.


Là où l’espace rejoint  le silence  l’écho.


Nuit profonde

Notes sourdes et répétitives du Gembri

entraînant les crotales

les scorpions au milieu des étoiles

& les dunes s’assombrissent dans le couchant

Nuit religieuse

le chant au loin se détache

les tambours emportent la voix au-delà des espaces

où le corps voyage.


Grigris de Mahamat-Saleh Haroun 


Soudain l’esprit se révulse

frémit dans les sables

serpent noir enroulé autour du méridien

& dans la frénésie un homme se lève

chevauché, ruisselant, par le Démon.

Les crotales galopent

le tambour bat

le sang des tempes

et l’homme s’évanouit

convulsé dans la lumière noire.


Toutes les vies nous manquent.

Le dessin sur le sable  que la main efface

les mots dans la pensée

que la parole oublie.


Buvant du vin de palme dansant ou travaillant

célébrant la nouvelle récolte

pendant que l’image du léopard traverse la brousse …


Nuit qui reprend force

dans le ventre lagunaire des dieux Yorubas

nuit éclairée par les pluies ...

 Yovo Yovo comment ça va ?

 Didier Manyach  (Sous les Pluies de Mangues ...Afrique)
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Découvrez un autre poète Yasmina Hasnoui, dont l'oeuvre Cargo Blues sort en septembre, préfacée par Didier Manyach

  1. Correspondance de nuit

    correspondancedenuit.blogspot.com/

  1. une chute
    et
    retour du cri
    ce cri qui un jour a jailli
    qui un jour a longé l’os
    sans pause
    ... sans arrêt
    sur l’articulation molle
    retour dans les crânes
    lissés par sa course
    retour dans les corps
    aux cliquetis éteints
    retour au départ

    lâcher-prise

    les ongles ne cherchent plus d’aubes à griffer

    retour
    c’est fait

    la nuit est tombée


    Ici, extrait d'une autre oeuvre, Italiques mnésiques, Yasmina Hasnaoui
http://correspondancedenuit.blogspot.fr/p/blog-page.html



Du Bouchet



La voix est-elle un souffle ?




 Loin du souffle

Into the wild de Sean Penn



M'étant heurté, sans l'avoir reconnu, à l'air,
je sais, maintenant, descendre vers le jour.
Comme une voix, qui, sur ses lèvres même,
assécherait l'éclat.
Les tenailles de cette étendue,
perdue pour nous,
mais jusqu 'ici.



J'accède à ce sol qui ne parvient pas à notre
bouche, le sol qui étreint la rosée.
Ce que je foule ne se déplace pas,
l'étendue grandit

André Du Bouchet
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Conseil de lecture.....



vendredi 5 juillet 2013

Ancet


L'inquiétante étrangeté de la voix.....


.......tu ne te reconnais plus, ta voix se fige,
tu suces un morceau de glace sonore, plus rien
ne sort de ta bouche qu'un filament de salive 
qui luit, qui durcit, pourras-tu jamais parler,
les jours se succèdent comme des images blanches,
ils t'emportent, te ramènent à la même présence
de cette voix qui parfois en sait bien plus que toi,
on dirait qu'elle n'a pas bougé, qu'elle t'attend 
tu ne sais où, quelque part au milieu de ces mots
qu'elle prononce dans ta bouche, tu les écoutes,
tu parles comme si tu ne savais pas parler,
ce que tu dis tu ne le comprends pas mais c'est là,
c'est une évidence comme l'air que tu respires,
comme cette table sous ta main où tu t'appuies,
qui te résiste, qui te rappelle le miracle
quotidien, aller dans la vapeur du jour levé,
traverser une place, dire je suis vivant,
je marche, je fais l'espace, longer une rue,
le café où l'homme lit les nouvelles du jour,
le joailler, le magasin de prêt-à-porter,
répéter je suis vivant, entrer dans une allée, 
passer à côté d'un vélo, de quatre poubelles,
monter des marches poussièreuses, ouvrir une porte, 
la refermer, écouter les voix dans l'escalier, 
le petit chien qui s'égosille, le grincement
des pas au-dessus, ne plus dire mais se sentir
vivant, malgré tant de raisons de ne pas y croire,
vivant, oui, tu voudrais que tout répète avec toi
vivant la table, la chaise, vivant le passant
croisé, vivant le feuillage, le ciel qui se couvre,
les toits poudrés de neige, le vent froid qui te giffle,
l'air qui te traverse, vivant, mais les mains tendues,
les corps prostrés, les yeux vides crachent leur silence,


La ronde de l'Aube de Douglas Sirk (d'après Faulkner)


alors tu ne dis plus, tu t'enfonces dans ta honte
de vivant vivant, tu sens quelque chose qui monte
en toi, qui appelle, une rumeur, un grondement,
et quand tu cries, ce n'est pas toi qui crie mais le cri
de toutes les gorges dans ta gorge, tu voudrais
dire la vie et sa beauté , tu dis la douleur,
et la mort, tu serres les dents, tu serres les poings
ou tu ne serres rien, tu étouffes simplement,
et pourtant tu es vivant....
.
Jacques Ancet, L'identité obscure (extrait du Chant 10)

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Note de lecture sur Ode au Recommencement.


http://poezibao.typepad.com/poezibao/2013/06/note-de-lecture-jacques-ancet-ode-au-recommencement-par-yann-miralles.html

Mandelstam


Aucune voix ne sauve....



Orphée de Cocteau

Le passant

J’éprouve une crainte plus forte que moi
En présence du mystère des hauteurs,
L’hirondelle dans le ciel me donne joie
Et j’aime les cloches voilières.

Pareil, dirait-on, à un piéton d’autrefois,
Aux passerelles ployant sur l’abîme
J’écoute la croissance des mottes de neige,
L’éternité sonne sur son horloge de pierre.

Hélas !… je ne suis pas ce voyageur
Qui s’efface parmi les feuillages éteints,
Chez moi, vraiment, c’est le chagrin qui chante.

Il y a une vraie avalanche dans les montagnes !
Mon âme tout entière est dans les cloches,
Mais la musique ne sauve pas du gouffre.

Ossip Mandelstam, La Pierre
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Conseil "critique"........


London


La dernière Voix....


Le désir de vivre, se dit-il avec mépris, en tâchant vainement d’empêcher ses poumons en feu d’aspirer l’air. Il fallait essayer d’une autre manière. Il respira à fond, de façon à pouvoir descendre très profondément. Puis, il plongea la tête la première, en nageant de toutes ses forces et de toute sa volonté. Les yeux ouverts, il voyait les bonites rapides zébrer l’eau de flèches phosphorescentes. Il espéra qu’elles ne l’attaqueraient pas, car la tension de sa volonté aurait pu se relâcher. Mais elles ne s’occupèrent pas de lui et il remercia la vie de cette dernière faveur.


Birdy de Alan Parker 

Il nagea encore, toujours plus profondément. Ses bras et ses jambes, rompus de fatigue, ne remuaient plus que faiblement. La pression de l’eau était douloureuse à ses tympans et sa tête bourdonnait. Son endurance était à bout, mais il se força à descendre plus bas encore. Bientôt sa volonté l’abandonna. Au milieu d’un grand bouillonnement, ses poumons se vidèrent complètement de l’air qu’ils conservaient encore. Tels de minuscules ballonnets, de petites bulles glissèrent en rebondissant sur ses joues et devant ses yeux dans une ascension éperdue vers la surface. Puis vinrent la souffrance et l’étouffement. Ce n’était pas la mort encore, se dit-il, au bord de l’inconscience. La mort ne faisait pas souffrir. C’était la vie, cette atroce sensation d’étouffement : c’était le dernier coup que devait lui porter la vie.

Ses mains et ses pieds, dans un dernier sursaut de volonté, se mirent à battre, à faire bouillonner l’eau, faiblement, spasmodiquement. Mais malgré ses efforts désespérés, il ne pourrait jamais plus remonter ; il était trop bas, trop loin. Il flottait languissamment, bercé par un flot de visions très douces. Des couleurs, une radieuse lumière l’enveloppaient, le baignaient, le pénétraient. Qu’était-ce ? On aurait dit un phare. Mais non, c’était dans son cerveau, cette éblouissante lumière blanche. Elle brillait de plus en plus resplendissante. Il y eut un long grondement, et il lui sembla glisser sur une interminable pente. Et, tout au fond, il sombra dans la nuit. Ça, il le sut encore : il avait sombré dans la nuit.

Et au moment même où il le sut, il cessa de le savoir.

Jack London, Martin Eden
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Tout London en Libretto....



http://www.editionslibretto.fr/catalogue-thematique?theme=les.oeuvres.de.jack.london&tri_catalogue=titre

Jack London, Martin Eden

Jabès



La voix , silencieusement, dit.....





Paris-Texas de wenders



   Je suis un silencieux. Je me demande, grâce au recul que je prends, maintenant, avec ma vie, si ce goût prononcé pour le silence n’a pas son origine dans la difficulté qui, de tout temps,fut la mienne, de me sentir d’un quelconque lieu.
 Avant de connaître le désert, je savais qu’il était mon univers. Seul le sable peut accompagner une parole muette jusqu’à l’horizon.
 Écrire sur le sable, à l’écoute d’une voix d’outre-temps, les limites abolies. Voix violente du vent ou, immobile, de l’air, cette voix vous tient tête. Ce qu’elle annonce est ce qui vous agresse ou écrase. Parole des abyssales profondeurs dont vous n’êtes que l’inintelligible bruit; la sonore ou l’inaudible présence.

S’il fallait une image au Rien, le sable nous la fournirait.
Poussière de nos liens. Désert de nos destins.


Edmond Jabès, Un étranger avec, sous le bras, un livre de petit format
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Conseil de lecture critique....Par ce livre inédit, les Editions Seghers font entrer l'une des figures majeures de la poésie du XXe siècle dans la collection «Poètes d'aujourd'hui». Edmond Jabès, né au Caire en 1912 dans une famille juive francophone, n'est pas seulement un passeur de cultures et de mémoire entre les rives de la Méditerranée : il est aussi, comme l'écrivait René Char, l'auteur d'une oeuvre «dont on ne voit pas d'égal en notre temps». Du Livre des questions au Livre de l'hospitalité, Didier Cahen s'attache à suivre, dans l'oeuvre de l'écrivain dont il fut l'ami, les lignes déliées de la création poétique. L'anthologie qui compose la seconde partie de l'ouvrage fait entendre le chant d'amour et d'espérance d'un poète qui habita le monde en nomade. -4ème de couverture- 



mercredi 3 juillet 2013

Colette,


La voix du souvenir....



Phantom Lady de  Robert Siodmak

Il me faut miraculeusement, dans mon sommeil, mêler mes provinces bien-aimées, la natale et les autres, et les palper à tâtons si je m’éveille en pleine nuit, interroger la sonnerie d’une grosse montre – je sais pourtant bien qu’elle est en Provence -, l’espagnolette d’une fenêtre qui n’existe plus que dans mon souvenir, une table de chevet captive en Bretagne, un bouton de cuivre qui brillait, il a un demi-siècle, sur la porte de ma chambre d’enfant… 

Un mur lisse, une tenture rugueuse, un verre d’eau abolis, brisés, exilés, renaissent, le temps que je revienne à moi. Leur rencontre est un instant inestimable, aussi fugitif que le givre par un jour pur, le seul instant où je puisse sentir sous ma main, presque palpable, la fleur pulvérulente du passé, un don consenti par la mémoire des sens, invétérée en moi comme 
seraient le bégaiement et la claudication…

Colette, En pays connu.
(Merci Alain A.)

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  A voir....