vendredi 29 août 2014

Daumal


  1. Le visage de l'autre est un frisson....




    Paris Texas de Wenders


     " La peau du fantôme "

    Je traîne mon espoir avec un sac de clous,
    je traîne mon espoir étranglé à tes pieds,
    toi qui n'es pas encore,
    et moi qui ne suis plus.

    Je traîne un sac de clous sur la grève de feu
    en chantant tous les noms que je te donnerai
    et ceux que je n'ai plus....
    Dans la barque, elle pourrit, la loque
    où ma vie palpitait jadis;
    toutes les planches furent clouées,
    il est pourri sur sa paillasse
    avec ses yeux qui ne pouvaient te voir,
    ses oreilles sourdes à ta voix,
    sa peau trop lourde pour te sentir
    quand tu le frôlais,
    quand tu passais en vent de maladie.

    Et maintenant j'ai dépouillé la pourriture,
    et tout blanc je viens en toi,
    ma peau nouvelle de fantôme
    frissonne déjà dans ton air.

    Daumal
     (Merci à Patricia Suescum pour la découverte de ce poème)
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    A (re)découvrir)

    La Bleue


    René Daumal

    Tu t'es toujours trompé



lundi 25 août 2014

Ancet



La bouche noire des visages....



c’est là devant on regarde
la pièce vide le jour
arrêté sur la fenêtre
dans les yeux on voit venir
ce qu’on a jamais pu croire
on bat des cils on va dire
mais comment dire on se tait



Johnny Got His Gun de Dalton Trumbo



on attend on n’entend rien
on voit passer la lumière
plus loin là où les visages
brillent des morceaux de neige
restent suspendus aux branches
goutte à goutte ils étincellent
et s’évaporent on écoute


Jacques Ancet, La lumière et les cendres
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La lumière et les cendres | 15 mars 2014

VIENT DE PARAÎTRE

JACQUES ANCET
La lumière et les cendres
milonga pour Juan Gelman
édition bilingue : préface et traduction de Rodolfo Alonso
Editions CARACTÈRES



dimanche 24 août 2014

woolf



Sous le visage, le silence....




Fiona d'Amos Kollek


    C’est curieux de voir hésiter les gens à la porte de l’ascenseur. Passeront-ils ici, ou là ? Leur individualité s’affirme par le choix : ils sortent. Une nécessité les pousse, l’obligation misérable d’aller à un rendez-vous, d’acheter un chapeau, sépare ces beaux êtres humains si parfaitement unis tout à l’heure. Quant à moi, je n’ai pas de but, je n’ai pas d’ambition. Je me laisse porter par le courant. La surface de mon esprit glisse comme un pâle ruisseau reflétant les objets qui passent. Je suis incapable de me rappeler mon passé, la forme de mon nez ou la couleur de mes yeux, ni quelle est l’opinion que j’ai généra-lement de moi-même. Ce n’est qu’aux moments critiques, en traversant une rue, sur le rebord d’un trottoir, que mon instinct de conservation se saisit de moi, et m’arrête devant un autobus. Décidément, nous tenons tout à vivre. Puis, de nouveau, l’indifférence m’envahit. Le vacarme des voitures, le passage de figures pareilles qui se dirigent tantôt ici, tantôt là, me transportent dans un rêve d’intoxiqué, et les traits s’effacent des visages. Les gens pourraient tout aussi bien passer à travers moi. Et qu’est-ce moment du temps, ce jour entre les jours où je me trouve pris ? Le grondement de la circulation pourrait être tout aussi bien le vaste murmure des forêts ou le rugissement des fauves. La roue du temps a reculé d’un tour : nos progrès si récents sont anéantis. En vérité, nos corps sont nus. Nous ne sommes que légèrement recouverts de tissus soigneusement boutonnés, et sous ces trottoirs se cachent des coquillages, des ossements, et du silence.

 Les Vagues de Virginia Woolf
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A lire: très bel article d'Angèle Paoli sur Woolf.




  1. Virginia Woolf | Sombrer dans le bleu - Terres de femmes

    terresdefemmes.blogs.com/.../virginia-woolfsombrer-dans-le-bleu.html
    29 juin 2010 - Virginia Woolf, Le temps passe [Times passes, 1926], Le Bruit du temps, 2010. Édition bilingue. Traduction de l'anglais par Charles Mauron.