samedi 4 avril 2015

woolf

De la vitre, une rêverie....






    Rendez-vous à Bray d'André Delvaux. (image trouvée grâce à Florian Poinot)


Nonchalant et indifférent, se libérant aisément de l’espace à chaque coup d’ailes, sûr de sa route, le héron survole l’église, sous le ciel. Blanc et lointain, tout entier à lui-même, le ciel se couvre et se découvre, se meut et demeure. Un lac ? Effacez-en les rives ! Une montagne ? Oh, parfait — l’or du soleil sur ses pentes. Duvet qui tombe. Des fougères, alors, ou bien des plumes blanches, toujours et encore…
Désir de vérité, attente de vérité, distiller laborieusement quelques mots, et désirer encore et toujours — (un cri retentit sur la gauche, un autre à droite. Les roues divergent. Les omnibus s’assemblent et s’affrontent) — désirer encore et toujours — douze coups distincts frappés par l’horloge attestent qu’il est midi ; la lumière répand des écailles d’or ; la rue grouille d’enfants — désirer encore et toujours la vérité. Rouge est le dôme; les arbres sont couverts d’écus, des traînes de fumée s’échappent des cheminées ; aboiement, cri, appel : «Ferraille à vendre» — et la vérité ?
Convergence vers un seul point de souliers masculins et féminins, noirs ou incrustés d’or — (Quel brouillard — Un sucre ? Non merci — L’avenir de la chose publique) — bond d’une flamme dans l’âtre teintant de rouge toute la pièce, à l’exception des silhouettes noires aux yeux brillants, cependant qu’au-dehors on décharge un camion, qu’à son bureau Miss Trucmuche boit son thé, et que les vitrines veillent sur des manteaux de fourrure…
Exhibée, légère comme une feuille, amoncelée dans les carrefours, soufflée sous les roues, éclaboussée d’argent, plantée droit dans la cible ou à côté, recueillie, dissipée, dispersée à tous vents, soulevée dans les airs, rabattue au sol, déchirée, naufragée, rassemblée — et la vérité ? Et maintenant se recueillir près du foyer sur la dalle de marbre blanc. Jaillis de profondeurs ivoirines, les mots répandent leurs ténèbres et leurs bouquets pénétrants. Tombé le livre ; dans la flamme, la fumée, les étincelles fugaces — ou alors il navigue maintenant, pendant carré marmoréen dans la voûte céleste au-dessus des minarets et des mers indiennes, tandis que l’espace vire au bleu et que les étoiles scintillent — et la vérité ? Ou alors maintenant, se contenter d’approximation ?
Nonchalant et indifférent le héron s’en revient ; le ciel voile ses étoiles ; puis les dévoile.

Virginia Woolf, Lundi ou mardi


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Rappel: sortie des OC de Woolf (les 2 tomes ) en Pléiade!



mercredi 4 février 2015

André Laude


Le Lumières,  derrière la vitre ?



Sur chaque visage 

Une agonie m’interpelle Lion en cage

Je tourne dans la cité des morts-vivants

Sans figure

Sans lignage.

Je suis déjà ailleurs autre part 

Je suis dans le paysage ignoble

De l’absolu désespoir 

Je suis le voyageur rejeté de miroir en miroir 

Et qui hurle parce qu’il ne s’y retrouve pas 

Et que l’horreur gonfle ses paupières 

Et qu’il a tellement faim de lumière

Qu’il mangerait crus les petits enfants aux yeux De craie blanche.





Van Gogh de Pialat


André Laude– Un temps à s’ouvrir les veines